Pouvez-vous vous présenter ?
Né à Embrun, j’ai vécu ma petite enfance aux Puys dans une famille de 9 enfants. De notre maison familiale dominant la vallée, je voyais les paysages grandioses du lac de Serre-Ponçon. Mon père a travaillé à la construction du barrage, il nous y amenait régulièrement et aimait évoquer le chantier. Ses nombreuses anecdotes sur les ouvriers ont marqué ma mémoire. Rien ne me prédestinait à devenir le capitaine du plus gros bateau navigant sur le lac de Serre-Ponçon. Charpentier de métier, je me suis retrouvé sans travail, lors de la crise du bâtiment en 1993. Ma rencontre avec Roger Fontenay, le créateur de l’entreprise et propriétaire de la Carline qui proposait des promenades depuis 1985, m’a ouvert de nouveaux horizons. Cette expérience m’a offert l’opportunité de connaitre la navigation. Une relation de confiance s’est établie, le capitaine a acheté un second bateau et c’est ainsi que j’ai commencé en tant que moussaillon sur le lac de Serre-Ponçon l’été, et en tant que saisonnier à la station de Réallon l’hiver. Après mon obtention du permis bateau, Roger Fontenay m’a fait passer le brevet de capacité de capitaine et j’ai pu assurer la conduite du bateau que j’ai racheté en 2017.
Présentez-nous votre activité ? Racontez-nous l’histoire du bateau promenade ?
La Carline embarque 118 passagers en places assises pour une promenade d’1h30, sans escale. Seul bateau à proposer cette croisière au départ de Savines-le-Lac, la Carline fait le tour de la Chapelle-St-Michel, vogue jusqu’à avoir le barrage en point de mire, longe les Demoiselles coiffées et offre des points de vue extraordinaires, bien différents, à bord d’un bateau, qu’en faisant le tour du lac en voiture. L’histoire du lac, la construction du barrage, la création du Parc national des Ecrins, sont contées et le guide répond aux nombreuses questions sur la profondeur du lac, les poissons qui y vivent, la production hydroélectrique, la couleur si particulière du lac, et surtout sur la Chapelle-St-Michel, dernier témoignage du passé, à ne pas avoir disparu sous les eaux.
L’équipage est constitué du capitaine, de la personne qui assure le commentaire et la tenue du bar, et du moussaillon dont la mission est d’assurer la surveillance des deux ponts, de veiller au bien-être de chacun, de gérer la sécurité, l’embarquement et l’amarrage.
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La Carline a été construite à St-Gilles dans le Gard et c’est toujours ce même bateau que je conduis. Lorsqu’il est arrivé en 1985, à Savines-le-Lac, les activités nautiques n’étaient pas aussi développées qu’aujourd’hui et les locaux ne croyaient pas trop à l’engouement que ce bateau pourrait générer et pourtant le succès a été au rendez-vous dès le début ! Il faut dire que le tourisme social était déjà bien implanté et que sa capacité d’accueil permettait de recevoir les groupes. Une opportunité pour les centres de vacances de programmer une visite accessible à tout type de public, mêlant la découverte du lac et des paysages, avec une histoire aussi palpitante que la naissance d’un barrage, des villages noyés, deux vallées englouties. Ce n’est que plus tard que les activités nautiques se sont diversifiées. Le lac se partageait à cette époque, entre deux bateaux promenades, un côté Baie St-Michel/barrage/Ubaye disparu en 2017 et La Carline en amont et jusqu’à la Baie de Chanteloube.
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Pourquoi avoir choisi Serre-Ponçon pour exercer votre activité ? Qu’est-ce qui vous passionne le plus dans votre métier ?
Il m’aurait été difficile de quitter cette région que j’aime tant pour raisons professionnelles, je suis très reconnaissant envers Roger Fontenay, d’avoir cru en moi, de m’avoir transmis son savoir-faire et accordé sa confiance. De plus, c’est sur la Carline que j’ai rencontré celle qui est devenue ma femme.
Je n’ai pas parcouru les océans, mais je suis fier, d’être capitaine de bateau sur notre mer à la montagne. Les vieux marins disent qu’un bateau à une âme. Pour moi, l’âme de La Carline, se trouve dans ce que j’éprouve lorsque je navigue à son bord, dans le bonheur que je ressens lorsque les passagers, petits et grands, quittent le bateau, enchantés d’avoir partagé ce moment de détente au cours duquel ils ont appris une multitude de choses sur l’histoire du lac. Leurs sourires est un gage de satisfaction, il y a même quelques personnes qui reviennent plusieurs fois pendant leur séjour !
Quel est votre site préféré sur le lac de Serre Ponçon ?
J’aime le lac dans son intégralité, à chaque encâblure, apparaissent là une crique sauvage, ici un point de vue époustouflant, plus loin ce sont d’autres perspectives qui s’ouvrent au regard : les dolomitiques Aiguilles de Chabrières, le Piolit… et en regagnant le port, le majestueux Pic de Morgon !
Au fil des saisons, les paysages évoluent, au fil des heures des jeux d’ombre et de lumière se créent. Ce bleu des mers du Sud, dû aux microparticules en suspension et au reflet du ciel, participe aussi à la fascination que j’ai pour le lac de Serre-Ponçon.
En fin de journée, seul sur le bateau amarré, il m’arrive de prendre le temps de profiter, en toute quiétude, des magnifiques couchers de soleil sur le lac.
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Avez-vous une petite anecdote à nous raconter sur vos sorties bateau ?
Pendant le voyage, lorsque nous revenons vers Savines-le-Lac, je repère dans les passagers, celui à qui, me semble-t-il, mon invitation fera plaisir. Je le coiffe de la casquette de capitaine et lui donne le gouvernail, l’occasion pour sa famille ou ses amis de prendre une photo souvenir. C’est amusant et gratifiant de découvrir que cette expérience a marqué certains « capitaines d’un jour », comme en témoigne le cliché, pris il y a plusieurs années, qu’ils me montrent en faisant découvrir la mini-croisière à leurs enfants ou petits-enfants. Il y a quelques temps, j’ai choisi un monsieur, dont j’ai su après coup, qu’il avait 102 ans et qu’il montait sur un bateau pour la première fois de sa vie. Bien campé sur ses jambes, il était heureux et très ému de prendre la place du capitaine… je m’en souviendrai toujours.
